mercredi 27 juin 2012

Héros (2)


Un printemps dont vous êtes le héros

Un blog

1- Vous ouvrez le journal : « Ahh mon JdM » (allez au no.2) ou « Ahum mon Voir » (no.3)
2- Vous êtes choqué par la violence des manifestants : « Je déménage à Québec câlisse ! » (no.4) ou « Je vais placarder mes fenêtres au cas où » (no.5)
3- Vous êtes émerveillé par la vitalité du printemps érable : « Je crée un blog pour les encourager » (no.6)
4- Vous apprenez l’arrivée d’Amir Khadir à Québec : « J’asperge les vitres d’eau bénite » (no.7) ou « Je crée un blog pour dénoncer la sale gauche au Québec » (no.6)
5- Les bruits de la rue sont trop intenses. Il ne vous reste plus qu’à déménager à Québec (no.4)
6- Votre blog a du succès, mais les commentaires négatifs vous embêtent : « Je vais censurer quelques commentaires » (no.8) ou « Bah, c’est la liberté d’expression » (no.9)
7- Grâce à votre vigilance, Khadir a été arrêté : « Je ressens du remord, je retourne à Montréal » (no.3) ou « Je chiale sur mon blog contre l’envahisseur-montréalais-de-gauche-pas-d’icitte » (no.8)
8- Vous perdez une partie de vos lecteurs, mais conservez ceux qui sont d’accord avec vous : « C’est ça l’important » (no.10) ou « Non, j’aime être défié » (no.9)
9- À moyen terme, vous êtes tourmenté, vos certitudes s’effritent, mais un nouvel espace de la pensée s’ouvre à vous et à vos lecteurs
10- À moyen terme, vous vivez en paix avec votre bonne conscience et une bande de suiveux qui vous admirent. 



Héros


Un printemps dont vous êtes le héros

L’irrésistible radicalisation

1- Vous décidez ou non d’aller à la manif : OUI (allez au no.2) NON (no.3)
2- Vous rencontrez Anarchopanda : « Je m’empresse de lui faire un câlin (no.4) » ou « Je m’enfuie loin de ce symbole anarchiste » (no.3)
3- Tant pis pour vous. Attendez demain et recommencez au no.1
4- Votre enthousiasme ne passe pas inaperçu. Un groupe de jeunes gens vous entraîne avec lui : « Je le suis ! » (no.5) ou « Je continue mon chemin » (no.3)
5- La manif est déclarée illégale, la tension monte : « Je chante un slogan pour me donner du cœur » (no.6) ou « je mets une cagoule noire parce que c’est frisquet » (no.7)
6- Le slogan est cassé par des bombes assourdissantes, la police charge : « Sauve qui peut ! » (no.8) ou « Je reste pacifique en faisant un signe de peace » (no.9)
7- Le temps de le dire, vous avez une roche dans la main et jetez des regards haineux à une vitrine de banque : « Vlan ! À bas le capitalisme ! » (no.10) ou « Pitchons la roche sur une voiture de police ! » (no.9).
8- Vous courez vous mettre à l’abri, mais apercevez un livre d’extrême-gauche à vos pieds : « Je le lis » (no.7) ou « Je préfère La Presse » (no.3)
9- Vous vous faites gazer, asperger de poivre et matraquer : « Au fond, je l’ai bien mérité » (no.3) ou « ARRRRRGGGGHHHHHHH » (no.11)
10- La vitrine éclate, vos amis vous annoncent fièrement que vous avez mérité un laissez-passer à vie aux forums économiques mondiaux. « Yeah ! »
11- Un membre du black bloc vous soigne et vous tombez amoureux. « Nous vivrons en anarcholovers… »


jeudi 21 juin 2012

« Ceux qui continueront à croire que leurs rêves méritent d’être réalisés. Ceux qui continueront à se battre contre vos petits intérêts mesquins. Ceux qui continueront à croire qu’ils sont meilleurs que vous, et plus courageux. Ceux qui continueront à défendre leurs idées malgré tous vos préjugés. Ceux qui resteront eux-mêmes et qui refuseront de s’avilir. Ceux qui se respecteront. Ceux qui continueront à vous envoyer promener parce que vous êtes stupides. Ceux qui n’auront que leur mérite, et leur fierté et leur foi en un monde meilleur. Ceux qui resteront libres. Ceux qui resteront JEUNES. Ceux qui n’auront pas peur de vos épouvantails. Ceux qui résisteront. » 


- Pierre Bourgault
L’indépendance, 15 avril 1966



mercredi 20 juin 2012


Dialogue fictif entre P.-E. Trudeau et René Lévesque

Trudeau : Quelle irrationalité ! Quelle folie collective !
Lévesque : Calme-toi, Pierre, c’est le peuple qui s'exprime
Trudeau : ...et qui briment les libertés individuelles !
Lévesque : Tu parles de ces libertés-injonctions qui divisent ?
Trudeau : Je parle de la liberté de choisir sa solidarité. Tu peux bien parler de division toi…
Lévesque : ... ne recommence pas avec ton biculturalisme artificiel !
Trudeau : C’est aussi bien qu’une appartenance québécoise grégaire
Lévesque : Pas grégaire, Pierre, vécue !
Trudeau : C'est ce que je disais ! René, on en a traversé des printemps tous les deux...
Lévesque : Ouais, mais on avait l'Histoire de notre bord...
Trudeau : ... surtout du mien...
Lévesque : En tout cas, l'Histoire souffle de nouveau, et de mon bord cette fois
Trudeau : Jamais !
Lévesque (montrant un portrait de la Reine) : Tu crois que les Québécois veulent de ce Canada-là ?
Trudeau (montrant une caricature de Jean Charest) : Tu crois que les Québécois veulent de ce Québec-là ?
Lévesque : …
Trudeau : …



De l'usage de l'histoire



Il y a de bons et de mauvais parallèles historiques. Un enseignant qui s’émeut devant «les terribles images de Montréal rappelant ce qu'était Belfast il y a 35 ans » (LP23/06 « ai-je été naïf ? »), trace une comparaison fausse, qui suscite la peur et paralyse la pensée. Parions qu’il n’a jamais vu Belfast et qu’il ne connaît les manifs de Montréal qu'à travers les caméras de LCN. C'est bien le malheur de la perception des manifs : ceux qui en parlent le plus sont ceux qui en ont vues le moins.


Exemple de paternalisme. Les Québécois auraient un inquiétant passé révolutionnaire, selon D. Bombardier (LD09/06B5). Ils se laissent parfois griser par une pyrotechnie de révolte populaire, mais pas trop longtemps. Ils retrouvent vite leur bon vieux sens et rentrent dans les rangs de la majorité silencieuse. Bon, ils n’y parviennent pas eux-mêmes, ce serait beaucoup leur demander. C’est grâce aux autorités, qui leur rappellent quelques vérités, que les Québécois s’assagissent et refusent les audaces qui pourraient mener à des remises en question. Dieu soit loué !


Première fonction de l’histoire : faire voir que les choses n’ont pas toujours été ce qu’elles sont, et susciter la réflexion et l’imagination sur ce qu’elles pourraient être. Deuxième fonction de l’histoire : rappelez aux autorités qu’elles seront jugées en fonction de leur capacité à s’élever à la hauteur des situations qu’elles traversent. Et donc condamnées pour leur étroitesse, leur courte vue et leur mesquinerie. 

L'année 2012 sera faste pour les historiens du futur !



Ritournelles



La jeunesse choyée. Argument souvent amené par des baby boomers qui ont connu la misère à travers le récit de leurs parents, et ne comprennent pas qu’on puisse aspirer à autre chose que le petit horizon de confort qui est devenu le leur par résignation.


L’argument de l’intérêt personnel. Proposé habituellement par des baby boomers qui, leur lunette bien serrée sur leur visage, considèrent les étudiants comme des cols bleus jamais satisfaits. Bien sûr, l’argument est invalide – les étudiants militent contre des frais qu’ils ne subiraient pas de toute façon –, et en dit long sur le parcours triste d’une génération qui a dû enterrer ses rêves par petites pelletées.


Perronisme #2 

Un tiens vaut mieux que ce qui ne t'appartient pas !
Un chroniqueur de LP : Arrêtez de chialer, c’est pire ailleurs !
Un manifestant : On a la rue, on la garde



L'irréalisme



Méfiance envers la disqualification du printemps érable « rêveur » et « irréaliste ». La Révolution tranquille fut largement irréaliste dans ses projets : la nationalisation de l'Hydro, c'était une coupure totale avec le libéralisme conservateur de M. Duplessis. La différence avec aujourd’hui ? Le rêve était au pouvoir, après avoir croupi dans les rues d’Asbestos en 1947…





Parler d’un « autre monde possible » n’est que du vent si on ajoute pas 2 ou 3 détails pratico-pratiques, selon M. Roy (LP16/06 « Les radicaux »). Inversons pour voir : parler de 2 ou 3 détails pratico-pratiques n’est que du vent si l’on n’ajoute pas un autre monde possible. Imagine.


Un mot revient dans l’argumentation de plusieurs opposants au printemps québécois : la raison. Ils en parlent avec respect et gravité, comme si cette raison descendait du ciel. En les lisant bien, on découvre que la « raison » dont ils parlent sert à rappeler à l’ordre, aux lois, au roulement économique, à l’autorité et au statu quo. C’est une raison de feux de circulation, et elle a peur du rouge.